Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
V

ÉSOTÉRISME ET ÉSOTOURISME : CRITIQUE DE TOUTES LES SPIRITUALITÉS

23 Juillet 2015, 10:32am

Publié par Pierre Kerroch

ÉSOTÉRISME ET ÉSOTOURISME : CRITIQUE DE TOUTES LES SPIRITUALITÉS

Attention âmes sans cibles


La spiritualité est une mode. Elle tend à uniformiser les gens dans un même discours. C’est pour ça que ceux qui se disent spirituels ne disent jamais rien de nouveau. Ils n’ont rien d'autre à proposer que ce qui existe déjà, que ce qui a déjà été dit et redit.


Cela mène les gens à se contenter de ce qui leur est donné à cause d’une certaine idée de la spiritualité. La spiritualité finit par devenir un petit chatouillement cérébral. Or, ma critique ici ne vise pas à dénoncer, elle a pour but de dire : on loupe quelque chose d’important avec cette spiritualité de bisounours.


La spiritualité vient de spiritus, qui veut dire le souffle. Inspirer, expirer : respirer. La spiritualité c’est être inspiré, donc expérimenter quelque chose de nouveau et proposer quelque chose d'innovant. Or aujourd’hui on ne voit qu’un discours général sans cesse répété.


Pour moi il y a deux façons de voir la spiritualité. L’image est celle d’une balance, qui cherche l’équilibre, c’est nous et notre vie. Une attitude va être, pour trouver l’équilibre, de mettre très peu de choses dans les deux balances. L’autre attitude est de mettre beaucoup de choses dans les deux balances.


Je veux dire que, selon ma vision personnelle de la spiritualité, la spiritualité est convulsive, c’est de l’ordre de la dynamite, de la bombe atomique, du big bang existentiel.


Il y a quelque chose de démoniaque, de dionysiaque, de monstrueux, qui manque dans la spiritualité. Il manque le terrorisme intérieur. Il manque cet astéroïde et ces extinctions d’espèces qui ont permis à l’humanité de naître.


Aujourd’hui on a le choix en matière de spiritualité. Notre époque a réussi à développer une vision globale de toutes les traditions spirituelles de l’humanité. Grâce aux chercheurs, à internet, aux conférences, aux stages, on a accès en surface aux pensées et pratiques spirituelles.


On a donc le choix : soit d’aller dans une tradition déjà existante, soit de faire un mélange de traditions déjà existantes, soit d’inventer notre propre spiritualité. Les 3 ne sont pas incompatibles. Et chacune contient ses avantages et ses inconvénients.


L’avantage d’une tradition déjà existante, c’est qu’on s’attache à quelque chose de solide et ancestral, d’où l’attrait de l’Islam, ou du bouddhisme. L’inconvénient c’est le dogme, l’endoctrinement, et l’application littérale et figée des textes. C’est de devenir un mouton et perdre la liberté.


L’avantage de créer notre propre système de croyances et de pratiques à partir de traditions déjà existantes, c’est de s’arranger librement avec nos goûts. L’inconvénient est de tomber dans l’intellectualisme, dans le syncrétisme vulgaire, dans la frime.


L’avantage de créer notre propre spiritualité de façon spontanée, c’est qu’on commence par l’expérience intérieure, pour ensuite voir éventuellement des correspondances avec des traditions déjà existantes. L’inconvénient, il n’y en a pas, sauf peut-être qu’il faut prendre notre vie en main, ce qui n’en est pas un.


Un problème aussi c’est que ceux qui intègrent l’Islam ne sont pas issus d’une famille islamique, ceux qui se mettent au bouddhisme n’ont jamais été élevés dans cette façon de vivre, ceux qui se mettent au « chamanisme » ne sont pas nés non plus dans une tribu, proches de la nature, etc.


La différence est qu’on entre dans une spiritualité en réaction à un vide spirituel, alors que les autres sont nés dedans. On ne pourra donc jamais vivre à fond, authentiquement, une spiritualité. Car on a toute notre éducation et notre culture occidentales derrière. On est souvent des enfants de la télé, d’internet, de la pub, de l’occident.


Par contre, on a le christianisme, mais qui est discrédité à cause de ses excès qu’on trouve partout dans l’histoire, et ses manques qu’on trouve aujourd’hui. Car oui nous sommes nés dans une culture marquée par 2000 ans de christianisme, et notre langage même est issu de la métaphysique occidentale. Même l’athéisme moderne est un produit du monothéisme, étant né en réaction à lui.


Si le christianisme du Vatican ne nous intéresse pas, on a d’autres christianismes, qui disent par exemple de vivre le message et la vie du christ, c’est une mystique et une pratique. On s’appuie alors sur des symboles déjà existants pour vivre, pourquoi pas.


Mais on a surtout l’alchimie, l’hermétisme et la gnose, qui au fond sont connectés. Là c’est intéressant, parce qu’on baigne dedans. D’abord dans le langage par la langue des oiseaux, ces jeux de mots qui se cachent dans la langue française (espagnole, anglaise, etc). On est aussi entourés de bâtiments, de contes, d’oeuvres d’arts et de symboles pouvant être interprétés de façons alchimique et hermétique, ou qui sont explicitement des symboles de ces traditions : Notre Dame de Paris, Chartres, le Mont Saint Michel pour l’architecture (et des centaines d’autres), Blanche Neige et les 7 nains, Le Petit prince, le Petit Poucet (et tant d’autres) pour les contes, etc.


On a la Rose Croix, on a le Tarot, on a même le druidisme et le celtisme qui sont à l’origine de notre civilisation, géographiquement mais aussi, en partie, culturellement. Même si pour ces derniers il faut composer avec le manque d’informations sur le sujet. En fait, on a vraiment le choix, et toutes ces voies peuvent être bonnes. Pourquoi pas la franc maçonnerie, qui accueille en elle nombre de voies différentes.


C’est ce qu’on appelle l’ésotérisme. Une définition courante de l’ésotérisme est le contraire de l’exotérisme : le premier est réservé à un groupe fermé, et le second est ouvert à tous. Mais c’est une définition un peu vulgaire, car aujourd’hui pour quelques centaines d’euros on peut nous révéler tous les secrets ésotériques, de façon intellectuelle, par informations.


Cependant, la vraie définition de l’ésotérisme pour moi est celle qui s’oppose à celle de l’ésotourisme. L’ésotérisme renvoie, en réalité, à l’expérience intérieure, tandis que la spiritualité renvoie à l’inspiration. C’est quelque chose de très personnel. Je peux transmettre du savoir, des informations sur un sujet, mais ce qu’on appelle la connaissance, on ne peut ni la transmettre ni la communiquer (donc l’imposer).


C’est comme décrire un orgasme à quelqu’un, cela ne lui fera jamais vivre ce qu’on a vécu. De la même façon, le vague chatouillement cérébral qu’est la spiritualité aujourd’hui, c’est à cause de ça. On a confondu la joie que ressent le mental à accumuler et articuler du savoir, avec l’expérience intérieure.


On a confondu les mots avec la chose qu’ils désignent. Beaucoup parlent d’amour universel, de suivre son coeur, de compassion. Mais ces choses là, je ne sais même pas si on sait ce que c’est. Avec ce genre de raisonnement on arrive par exemple avec ce que certains appellent du chamanisme d’appartement.


La grande erreur aussi, c’est cette histoire de travail sur soi. C’est tout le contraire de la spiritualité. Travail vient d’un mot qui veut dire souffrance, et qui à la base désigne un instrument de torture. En réalité, moins on travaille sur soi, plus on est spirituel. L’effort est le signe de l’erreur. De même, la connaissance de soi est inutile et nuisible ; tant qu’on n’a pas compris que la connaissance de soi consiste à créer.


Le spirituel c’est le souffle, c’est être inspiré. L’ésotérisme c’est l’expérience intérieure. L’ésotourisme c’est rester en surface de notre profondeur, c’est être dans un car collectif tandis qu’on nous décrit le paysage.


Ce que je voulais dire dans cet article, c’est que la spiritualité est une mode, qui nous transforme plus en perroquets coincés qu’en êtres libres, ça nous fait finalement louper beaucoup de choses. Je propose en retour d’inventer nos propres techniques, d’arriver à des expériences intérieures, et après coup de créer une façon de vivre. Ce n’est pas se laisser aller, ni se laisser avoir, ni se laisser faire, mais c’est se laisser être.


Comme le coaching, et ces coaches de vie, et cette pensée positive. Pour réaliser à bien ce qu’on veut vraiment, il n’y a rien de pire que la pensée positive. C’est cette façon de penser qui dit que ce qu’on pense attire son semblable, donc si on pense positif on attire le positif, si on se focalise sur ce qu’on veut on attire ce qu’on veut, c’est la loi d’attraction.


Il n’y a rien de plus faux. Car on ne sait pas ce qu’on veut, et la plupart du temps la pensée positive n’est rien d’autre qu’une façon d’attirer à nous ce que la société veut qu’on attire à nous. Grand succès aux États Unis, on remarque alors que les gens qui s’en servent ne font rien d’autre que de mettre la spiritualité au service du rêve américain.


On voit des gens heureux car ils ont enfin, grâce à la pensée positive, la maison de leur rêve, la femme, les enfants, la voiture, le métier, le salaire de leur rêve, la reconnaissance sociale de leur rêve. Est-ce que c’est ce qu’ils voulaient vraiment ou bien est-ce que c’est ce que les valeurs de la société voulaient qu’ils obtiennent?


Penser positif est donc la meilleure façon d’attirer à nous ce qu’on ne veut pas. Je pense qu’en réponse à ça, il est peut-être bon d’être fidèle au flux qui nous habite et nous anime, en essayant au mieux de nous regarder en face. La pensée positive et la spiritualité mènent à fuir la douleur, la cruauté, l’horreur, et à ne pas reconnaître notre profondeur.

On finit par croire qu’on est extraordinaire, magique, merveilleux. Une pratique classique de la pensée positive est de coller des post it autour du miroir de la salle de bain où est marqué "Tu es beau", "Tu es merveilleux", "Tu es sans limites", et à se répéter chaque jour qu'on est le meilleur. Pourquoi pas? Mais encore une fois, on reste dans l'effet de mode, le déjà fait.

Aussi, on a les effets négatifs du pragmatisme. Il faut qu'une chose marche, qu'elle fonctionne, qu'elle soit utile, qu'elle soit efficace. Mais on tombe dans l'erreur en abandonnant une technique qui peut marcher, de façon sublime, au bout de plusieurs années seulement. Et on fait aussi l'erreur de croire qu'on peut avoir tout tout de suite. Or, une spiritualité, nous avons tout à y perdre et rien à y gagner, et il faut être prêt à passer de sales moments. Une spiritualité s'expérimente au long de toute une vie.

C’est pour ça qu’il manque de la folie et de la convulsion, de l’excès, en fait il manque tout ce qui forme les héros, et n’importe quel humain arrivé à l’universalité, qui concorde avec sa plus profonde singularité. On arrive à un discours général qui stérilise l’esprit et la créativité.


En ce sens, je préfère Caligula à Gandhi, je préfère l’empereur romain fou et cruel, à l’activiste pacifiste. Je préfère Antonin Artaud à Eckhart Tolle. Je préfère Gurdjieff à Rhonda Byrne. Évidemment que ces comparaisons sont absurdes mais c’est pour donner une idée.


Les générations de l’après guerre, 14-18 et 39-45, étaient très destructrices et autodestructrices, en spiritualités, en arts, etc. Nous, au contraire, nous cherchons de l’aspirine spirituel, et les spiritualités sont comme feuilleter un catalogue de médicaments sur commande. On zappe d’une spiritualité à l’autre comme avec une télécommande.


Qu’est-ce qui sortira de tout ça?


Pour résumer : peut-être, je dis bien peut-être, qu’on peut se lancer dans l’expérimentation personnelle et ensuite en déduire une spiritualité singulière, au lieu de suivre les modes qui nous font tenir un discours général et répétitif. Car une spiritualité en santé est créative, elle engendre du nouveau, tandis qu’une spiritualité malade ne fait que répéter le déjà dit et le déjà fait.


L’une est fertile, l’autre est stérile.


Et pour rester fidèle à notre époque où chacun donne des conseils à tout le monde,
Do it yourself, kiffe et tripe,
comme on dit

Commenter cet article
I
Il me semble que cet article se contredit lui-même. Vous conseillez aux gens de vivre leur expérience intérieure, mais vous devriez bien savoir que ceux qui se tournent vers la spiritualité prêt-à-porter n'ont pas d'expérience intérieure, et aucun moyen d'en avoir une. Sinon ils n'auraient pas besoin d'être des moutons. Par définition.<br /> Ensuite vous dites que vous ne voyez pas d'inconvénient à la voie qui consiste à se développer à partir de soi-même. Bon, cela suppose qu'on soit complet en soi-même, que notre corps spirituel ait tous les organes nécessaires. Or les traditions nous apprennent que ce n'est pas le cas. Vous parlez de Gurdjieff. N'est-ce pas lui qui dit que notre âme à la base n'existe pas ? Alors comment pourrait être sortir toute formée de ce néant ? C'est une forme de prétention assez mortelle à mon avis, mais extrêmement courante chez les autodidactes. Ce qui explique qu'ils ne finissent jamais en corps d'arc-en-ciel.
Répondre
P
Bonjour<br /> <br /> Tout d'abord je précise que cet article n'est plus du tout valable pour moi aujourd'hui. Je l'ai écrit il y a très longtemps et ces choses ne me concernent plus. Je ne m'intéresse plus du tout à la spiritualité. <br /> <br /> Ensuite, je ne conseillai rien à personne. Le vrai propos de cet article était un constat. J'observai que ceux que je fréquentais à l'époque dans le monde de la spiritualité n'avaient aucune créativité. Ils s'alignaient sur un même discours, ils étaient trop gentils, trop conformes, trop mous. Je pense que l'artiste en moi se révoltait contre le spirituel. Aujourd'hui, j'ai dissout totalement le spirituel. <br /> <br /> J'ai dit à l'époque que je préférais Gurdjieff à Rhonda Byrne. C'était pour pointer du doigt le fait que tout le monde se précipitait vers des coachs et des abrutis au lieu d'aller voir du côté de ceux qui ont des couilles. Aujourd'hui, pour moi, même Gurdjieff a un goût de temple poussiéreux. <br /> <br /> Je suis aujourd'hui totalement poète. Ma poésie s'exprime dans l'écriture, le cinéma et la musique. Mais plus du tout dans la spiritualité. Après cet article, qui était une étape vers une nouvelle période de ma vie, j'ai totalement recréé ma philosophie. C'est surtout qu'aujourd'hui je ne m'occupe plus d'articles, mais d'art. Ce sont les oeuvres qui m'intéressent. Et donc, ma philosophie. <br /> <br /> Elle disait : "Je suis Dieu, et même plus que Dieu, vu que je peux le créer. L'univers est une blague. Cette blague raconte que tout n'est que de la créativité qui s'intensifie. Alors toute pensée s'écroule et on devient fou. Je suis un sexe qui cherche l'orgasme à tous les niveaux. Je fais uniquement ce qui me fait bander. Je ne débande jamais. La philosophie, c'est terminé, voici le règne de la phallusophie."<br /> <br /> Merci de votre commentaire constructif. Je ne me rappelais plus de cet article périmé. J'étais alors surtout révolté contre moi-même. <br /> L'émeute a bien réussi. Les cellules sont ouvertes et les fous sont libérés. <br /> <br /> P. K.