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V

DIVAGATIONS SUR L'HERMITE DU TAROT

25 Juillet 2015, 01:54am

Publié par Pierre Kerroch

DIVAGATIONS SUR L'HERMITE DU TAROT

Petit article improvisé pour un ami qui est obsédé par le chiffre 9 et l'hermite !

L’hermite du tarot s’écrit avec un H alors que normalement le mot ermite n’en prend pas. Ce H c’est deux « i » majuscule reliés par un trait central : le I est le 1 et donc l’unité, dans le tarot il renvoie au bateleur (I), dont le numéro est I justement, un « i » majuscule qui nous dit : l’initié qui prend l’initiative de revenir à l’initial par l’initiation. Le H fait donc le lien entre une unité et une autre unité : I-I. C’est un retour à l’unité, mais après avoir accumulé l’expérience d’une vie.


Ça tombe bien parce que l’hermite (VIIII) est l’arcane numéro 9. On est passé par tous les chiffres 1-2-3-4-5-6-7-8-9 pour revenir au 10, l’unité qui revient au 0, c’est-à-dire l’oeuf du pur potentiel d’où peut naître la seconde série décimale du tarot : 11-12-13… L’hermite fait donc la transition entre l’ancienne unité et la nouvelle unité, car le 1 est le potentiel à employer et le 10 est le potentiel déployé.


Le chiffre « neuf » est un jeu de mots car c’est étrange que le personnage le plus vieux du tarot soit le neuf. Neuf dit à l’envers donne Fun. En anagramme neuf donne Feu-N, et le N se prononce haine. C’est notre haine qu’on passe au feu, pour la purifier, pour la transformer en lumière, elle devient un carburant, un combustible. Quand on parle d’un neuf on parle aussi d’un oeuf, d’où peut sortir le neuf, le nouveau.


L’hermite fait la transition entre le 8 et le 10. Le 8 c’est deux 0 qui sont l’un sur l’autre, deux cercles qui représentent l’infini (le lemniscate). Chaque carte du tarot a la dimension d’un carré sur un autre carré, un double carré, donc un 8 infini. Regarder un arcane du tarot c’est pénétrer l’infini et se laisser pénétrer par lui. C’est une partie de baise archétypique.


Le 8 représenté par la justice évoque aussi la perfection, perfection du cercle d’en haut (ciel paternel spirituel) et du cercle d’en bas (terre maternelle matérielle). Et l’hermite tient une lanterne, parce qu’il s’écarte du monde civilisé pour aller dans la nuit. Ça tombe bien parce qu’il amène le 8 dans la nuit. Dans beaucoup de langues, on rajoute un « N » à 8 et ça donne la nuit : en français c’est Nuit et huit, en anglais Night et eight, en espagnol Noche et ocho, etc.


Dans le tarot on n’écrit pas 4 comme IV mais comme IIII, 9 s’écrit VIIII et non IX. Car le tarot est additionnel et orienté vers la positivité : 4 n’est pas 5-1 mais 1+1+1+1, 9 n’est pas 10-1 mais 5+1+1+1+1.


Or au tarot on a trois chiffres romains : le I, le V, et le X, qui combinés donnent tous les numéros des arcanes. C’est pour ça que Dieu est évoqué dans l’arcane XVI, la maison dieu, là où ces trois chiffres sont ensemble, sans plus ni moins. Et bien on commence par le bateleur, le I, et on rajoute des échelons, ou des rails de trains pour commencer le voyage ou l’ascension : I, II, III, IIII, et alors on passe au pape (V) qui est numéroté avec un « v » majuscule (Jésus dit qu’il est le Verbe, la Vie, la Vérité, la Voie), évoquant une coupe qui s’ouvre pour recevoir de la lumière ou un liquide, le pape est l’ouverture au spirituel.


Puis on gravit encore les échelons : après V, c’est VI, VII, VIII, et le VIIII qui est l’hermite. Celui-ci nous emmène au X, la roue de fortune, et le 10 est un « x » majuscule, qui n’est autre que deux V inversés, deux coupes en miroir, une orientée vers le haut et l’autre vers le bas. On s’ouvre au connu et à l’inconnu. On se réconcilie avec l’incertain. C’est pour ça que le 10 est un X qui désigne l’inconnue, en mathématiques. Là où le pape est un pont vers le spirituel, l’hermite est un pont vers l’inconnu. Ceci est aussi appuyé par le fait que les 10 premiers arcanes du tarot, du bateleur à la roue de fortune, ont tendance à s’élever, alors que les 10 autres arcanes, de la force au jugement, ont tendance à s’approfondir.


On peut aussi dire que l’hermite étant le VIIII, et que ça s’écrit V avec IIII, et bien c’est le pape (V) allié à l’empereur (IIII), le spirituel et le matériel, l’âme et le corps, dans un seul individu. D’ailleurs ils ont tous les trois la barbe couleur bleu ciel.


Le H d’hermite fait aussi référence à Hermès, patron des hermétistes et des alchimistes. C’est le nom d’un dieu grec oui, mais cet Hermès est spécial, c’est l’Hermès Trismégiste, le trois fois grand, d’où les trois rides de sagesse sur le front de l’hermite. Ce personnage est né de la rencontre entre les sagesses grecques et égyptiennes il y a 2000 ans, autour de la ville d’Hermopolis. Il est inspiré du dieu Thot, inventeur du langage parlé et écrit, dieu des scribes à tête d’Ibis, mais aussi à tête de singe. Certains pensent que le tarot est le livre de Thot, où toutes les sagesses hermétiques sont représentées. Ça nous expliquerait pourquoi, quand on met les cartes côte à côte, le singe de la roue de fortune (X) regarde le livre ouvert qui est aux pieds de l’hermite, caché sous sa cape.


Quelques détails maintenant : au-dessus de sa lampe l’hermite a un symbole, un cercle avec un point au milieu, qui représente à la fois le soleil et l’oeil. Ce cercle se prolonge et semble prendre la forme d’une clé : l’hermite détient les clés de la lumière. Ceci est appuyé par le fait que l’hermite c’est le VIIII et donc il correspond au XVIIII, le soleil, qui est la lumière, foyer de chaleur et de vie.


Quand on regarde la main de l’hermite, celle qui tient la lampe, on découvre des hanches et des jambes de femme, symbole de la sensualité. La clé de la lumière est dans la sensualité, le plaisir des sens, de la chair, de l’érotisme, de la tendresse, mais aussi de la féminité. C’est pour ça que l’hermite a deux croissants de lunes rousses (oranges), symboles de la féminité, de la créativité et de la réceptivité : l’une est derrière sa nuque, lieu de passage entre la tête (esprit) et le corps (matière) qui a 6 traits, renvoyant à l’arcane de l’amoureux (VI), arcane de l’union, de la relation, de l’amour et de la beauté ; l’autre est à peu près au niveau du sexe de l’hermite, avec 9 traits qui renvoient à lui-même.


Pour les couleurs, le manteau de l’hermite est bleu à l’extérieur : il est réceptif à son environnement. Il est couleur chair à l’intérieur : sa connaissance va jusqu’au fond de sa chair, de son corps, c’est du vécu. Ses habits intérieurs sont verts : couleur de la connaissance des choses cachées, de la croissance, de la fertilité. Ses bras et son bâton rouges symbolisent une grande force dans l’action, une vitalité active, une chaleur dans le contact. Ses cheveux et sa barbe sont bleu ciel, couleur du ciel, de la sagesse spirituelle, de la conscience au-delà des apparences. Un gant et une barbe bleus comme chez le pape, et on a dit qu’ils sont tous les deux des ponts, l’un vers l’esprit, l’autre vers l’inconnu.

Il y a une interprétation de l'hermite que j'aime beaucoup. En effet on ne sait pas s'il fait nuit sur la carte. Le fond est blanc, il pourrait faire jour. Ça nous renvoie donc à Diogène de Sinope, le philosophe grec de l'école cynique, qui philosophait à coups de happenings. Diogène arriva sur la place publique en plein midi ensoleillé, avec une lanterne (ou une bougie), en criant à tout le monde : "Je cherche un homme!" Une autre traduction rapporte : "Je cherche l'Homme!"

"Je cherche un homme", lancé par Diogène, ça signifie qu'il cherche des êtres humains, homme ou femme, vrais. "Je cherche l'Homme" est une réponse à Platon (qu'il contredisait et provoquait tout le temps) qui dit que l'Idée d'Homme est transcendante et précède les êtres humains. Or, Diogène veut nous ramener au concret, au corps, à la nature. Donc : l'hermite dans ce sens veut nous ramener à notre vérité, c'est-à-dire à être vrais, et cela se fait en suivant notre nature, fidèles à ce flux qui nous habite et nous anime.


Hermite en anagramme donne Thermie, ce qui représente un million de calories, la calor, le thermos, bref la chaleur. C’est l’appel du feu, du soleil, de la lumière qu’on n’a pas encore touchés, mais aussi du coeur et du sang. Ce feu du phénix, oiseau qui renaît de ses cendres, qu’on retrouve symbolisé par la roue de fortune (X), nouveau cycle qui s’ouvre.


L’hermite est celui qui nous ouvre donc à l’ère-mythe, l’ère du mythe. On a tous un mythe, qui est comme en germe en nous, une graine qui ne nous appartient pas. Ce qui nous appartient c’est de la mettre en terre (la concrétiser) et de l’arroser (la faire croître). Ce mythe est unique pour chacun, et fait se rencontrer notre plus profonde singularité et notre universalité. C’est ce que nous dit justement Hermès Trismégiste dans la table d’émeraude, texte fondateur de l’hermétisme : « Le vent l’a porté dans son ventre ». C’est le mythe qui est dans l’air, qu’on sent dans l’air, en gestation dans le vent, qui ne demande qu’à s’incarner, à travers nous.


L’hermite est donc le portier qui va nous ouvrir à l’inconnu, et si nous sommes prêts à faire un pas dans le vide, à quitter nos certitudes anciennes pour entrer dans le royaume de l’incertain, à brûler tout ce qui, en nous, appartient aux autres, et à inventer et découvrir de nous-même nos continents inconnus, alors nous entrons dans le mythe. Nous réveillons le dieu endormi à l’intérieur de nous.

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